samedi 16 janvier 2010

Article d'une journaliste saoudienne

Moi et mes quatre époux
vendredi 15 janvier 2010, par Nadine El Boudaïr
Donnez-moi la permission de me marier avec quatre hommes…voire cinq...ou neuf, si c’est possible. Permettez-moi de vous singer. Donnez-moi la chance de pouvoir les choisir à ma guise, selon mes obsessions, et les folies de mon imagination. J’aimerais les prendre de types et de formes différents. Je souhaiterais que l’un soit blond, un autre brun, de grande ou peut-être de petite taille. Je les choisirais de multiples pays, de religions, et de races. Et je vous garantirais que la paix et la bonne entente régnerait, la guerre civile masculine n’aurait pas lieu si l’unificateur était une femme.
Débrouillez-moi une loi positive ou bricolez-en une autre, divine. Rajoutez un nouvel article parmi votre liste habituelle de fatwas et de toquades dont vous vous accordez sans peine, et à l’unanimité. Comme je suis obligée de subir sans justifications le ‘mariage de plaisir’, de coutumes, de boy-friends, de vacances, de clandestinité, et tant d’autres genres de mariages, permettez-moi, à mon tour, d’épouser quatre mecs.
C’est ainsi que j’ai revendiqué un jour mon droit à la réciprocité : la polygamie islamique, mais à l’envers. Réprobation totale des femmes avant les hommes. Surtout les femmes mariées, et celles qui subissent, elles-mêmes, la polygamie ! Les religieux ont écrit une montagne d’articles et ont posé plein de questions sur la solidité de ma conception du mariage et la profondeur de ma foi. Des lecteurs se sont mobilisés aussi en m’écrivant des centaines de lettres dont les plus insolites sont celles qui venaient de ceux qui voulaient faire la queue parmi mes éventuels maris espérés !
Le fond du problème réside dans ma conception monogamique inébranlable de la relation. Je porte en moi une jalousie et un désir radical de provoquer l’homme musulman polygame. En essayant d’être, comme lui, entre les bras de quatre hommes.
Les hommes n’adorent-ils pas cela ? Ne l’espèrent-ils pas implicitement et explicitement ? Je me suis toujours interrogée sur ce monopole masculin.
Mais personne n’a pu me convaincre de la légitimité de cette exclusivité. Pourquoi suis-je privée de la pluralité de maris ? Ils m’ont toujours rabâché, vainement, le même raisonnement à deux sous ! Physiquement, vous ne pourriez pas assumer plusieurs hommes à la fois, me lancent-ils. Et l’épouse qui trompe ? Et la prostituée ? N’en font-elles pas autant ? Je pourrais bien, moi aussi, ai-je répondu ! La femme est dotée d’une quantité inestimable d’amour, c’est un péché de gaspiller tout cela. Elle a un cœur d’amour et c’est vraiment un gâchis qu’il soit réservé à un seul homme.
Si l’homme ne peut se suffire sexuellement d’une seule femme, de son côté la femme ne peut pas se satisfaire d’un seul amour. Quant à la filiation, l’ADN résoudrait le problème. Depuis quelques temps, je ne cogite plus sur la polygamie et comment guérir l’homme. Mais je réfléchis sérieusement sur la question du désir féminin multiple, resté toujours refoulé, depuis la disparition de la société matriarcale. L’apparition de la famille est le résultat de l’organisation de l’économie et le désir de bien déterminer l’héritage et le protéger. Pour cette raison, les humains ont inventé le mariage, ensuite les religions sont venues pour l’imposer comme institution qui garantirait la bonne marche de la procréation et pour éviter ‘l’anarchie des instincts’. […]
La protection des intérêts matériels de la société a toujours pris le dessus sur la passion amoureuse. Le sexe devient dans l’institution du mariage un devoir monotone. Un simple rite parmi les rites quotidiens du mariage. Un moyen de procréation, une démonstration de virilité. Au sein du mariage, le sexe est tout, sauf un plaisir physique et mental.
Les hommes se plaignent souvent ainsi : « je m’ennuie, elle est devenue comme ma sœur. Elle ne m’attire plus sexuellement. Comme avant, ma maison est comme une entreprise aujourd’hui. L’amour s’est éclipsé. »
L’ennui est-il l’avenir naturel de tout couple ? Les hommes ne trompent pas leur femmes parce qu’ils n’ont pas de morale, mais à cause de l’ennui, cette maladie que les traditions et les religieux essayent vainement de guérir.
Quant à la femme musulmane, elle ne trompe pas son mari, parce qu’elle ne s’ennuie pas. Mais au contraire, elle n’a jamais connu le plaisir depuis son mariage traditionnel orchestré. Elle ne peut le tromper, les traditions et les religieux lui ont imposé une résidence surveillée et le silence.
Les femmes mariées d’Orient sont-elles satisfaites sexuellement ?
Certainement pas. La femme a honte de parler de l’absence d’orgasme ou de sa disparition. Elle n’ose jamais avouer que son mari ne lui inspire aucun désir. Mais elle continue quand même à subir la chose. Parce qu’elle considère la satisfaction sexuelle de son mari comme un devoir religieux pouvant mener au paradis. Si elle refuse de le satisfaire, il la maudit ainsi que les anges. […]
Le mariage est-il une erreur ? L’officialisation de la relation en est-elle la raison ? Est-il raisonnable de transformer les sentiments censés être spirituels en documents papier ? L’intervention de la famille, de la religion, de l’administration c’est cela qui vide les sentiments de toute spiritualité.
La polygamie, répliquent beaucoup de musulmans, est l’antidote contre la monotonie, l’ennui. Une réponse favorable aux désirs légitimes des maris.
Mais pourquoi cette monopolisation de la polygamie ? Pourquoi cette discrimination envers les femmes ? Comment satisfaire les désirs féminins ?
Soit l’égalité pour nous tous, soit inventer une autre façon de vivre en couple, une nouvelle voie qui résoudrait la question de la monotonie dans le couple et l’installation du ‘déjà-vu’. En attendant, la question reste posée : comment faire si son corps me dégoute ? Si je sens qu’il est devenu comme mon frère ? Sans aucun intérêt érotique ?
NADINE EL-BOUDAÏR, Journaliste Saoudienne.
In El Hiwar El Moutamadine, le 17/12/2009
Traduction de l’Arabe par Hamid Zanaz

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